Voici un des textes que j’ai écrits lors de mon repos forcé dût à ma mono.
Il est bien aisé de me haïr sans me connaître, de me craindre et de croire qu’il faudrait mieux que je sois mort, après tous, je suis un monstre, c’est ce que plusieurs s’entendent pour dire. La vie comme vous la connaissez dépend pourtant du bon fonctionnement des gens comme moi. Le folklore nous a imaginés immortelle, sombre et morbide, allants même jusqu’à nous dépourvoir de toute humanité pour faire de nous des squelettes pour qui la vie est complètement étrangère, mais détrompée vous, la mort prend tous sont sens dans la vie. Je ne sais pas d’où viennent mes instructions, qui a fait de nous ce que nous sommes, mais une chose est sûr, c’est que d’être un jeune de 22 ans et être la mort c’est assez compliqué par moment. Je ne suis pas seul, nous sommes des milliers, nous marchons dans la rue comme des millions d’autres hommes, notre espérance de vie est semblable à la vôtre, je ne reçois ni salaire ni pouvoir surhumain pour accomplir mon travail. Je ne le fais pas par sadisme et je ne souhaite la mort de personne. Je ne suis menacé de nulle manière et les mêmes sentiments m’animent que les autres hommes de la terre. Je le fais librement. Alors, pourquoi? Comment un jeune en est arrivé à devenir la mort? Au départ, c’était difficile, je me voyais bien incapable de diriger le décès des gens qui ne m’avait strictement rien fait, plusieurs de ses personnes avaient accompli de grandes choses de leur vie, certaines n’en avaient pas encore eu le temps. Comment en suis-je venu à accepter que leurs vies dussent être interrompues?
Tout cela arriva en secondaire 2, nous avions une journée d’accompagnement des parents au travail. Mon père m’avait amené avec lui, il était vétérinaire, j’avais passé l’avant-midi à jouer avec les chiens que son centre gardait, mais sur l’heure du diner, il m’avait annoncé que j’allais l’accompagner dans ses visites de l’après-midi, j’étais tout content. J’allais passer du temps avec mon papa et voir ce qui occupait ses journées. Donc après un repas tout joyeux, mon père et moi fîmes quelques heures de voiture pour se rendre à une ferme où mon père devait visiter un cheval. Celui-ci ne se nourrissait plus depuis qu’on l’avait vendu à un nouveau propriétaire, le fermier avait bien tenté de trouver une solution pour qu’il se remette à manger, mais rien ne semblait marcher, c’est pourquoi il faisait appel à nous. Nous nous sommes donc approchés pour permettre à mon père de l’examiner de plus en détail, pendant qu’il s’affairait autour avec peu de conviction, moi je caressais la crinière du cheval, lui chuchotant que mon papa allait le sauver. Mon paternel s’éloigna après quelques instants et moi je restais à ses côtés. J’étais triste pour ce cheval qui souhaitait simplement cesser de vivre sur terre. J’étais sûr qu’il allait trouver un moyen de lui redonner le goût de vivre.
C’était inévitable, mon papa était le plus fort. Or, mon père me demanda de m’éloigner, puis lui injecta un somnifère dans la fesse. Il lui chuchota quelques mots à l’oreille et peu à peu le cheval se laissa choir au sol, je comprenais de plus en plus ce qui se déroulait devant moi, j’assistais à ma toute première mortalité, douce, calme, le cheval ne cria pas. Il s’endormit doucement pour ne jamais se réveiller. Étrangement, j’étais en paix avec ce que j’avais vu ce jour-là, certes ce cheval-là était mort, mais sa mort ne devait après tout que lui apporter le repos et la paix qu’il souhaitait.Le reste de la journée fut silencieuse, même s’il ne s’agissait que d’un cheval, son existence avait cessé et il méritait le respect.
Le lendemain, j’accompagnais ma mère infirmière, l’accompagner est un bien grand mot, puisqu’elle était partie la majorité du temps à courir à gauche et à droite, elle finit par me laisser dans la chambre d’un vieux qui respirait difficilement. Lorsque j’entrais dans la pièce, il se tourna vers moi, c’était tous un choc, cet homme qui était sans le savoir un des premiers types d’androïde, la fusion de l’homme et de la machine ou plutôt l’état parasitaire de l’homme par la machine, à voir cette homme qui ne respirait plus, ne mangeait plus, ne pouvait s’assurer des battements de son cœur ou même filtrer correctement son sang, j’en était rendu à me demander qui de l’homme ou de la machine était le parasite.
En regardant ce vieil homme, je me remémorais le cheval que moi et mon père avions tué hier, je me demandais comment il était possible de faire preuve de tant de respect pour la dignité de ce cheval et mépriser autant la dignité de ce vieil homme. J’avais mal au cœur, la pièce était remplit de différents appareils qui semblaient vivre, comme si la vie qui quittait peu à peu l’homme augmentait leur vitalité et cet air, cet air que seuls les hôpitaux possèdent, une odeur hybride, partagée entre la putréfaction de la mort en progression et celle aseptisée de l’eau de javel et du détergent, comme si l’on tentait de dissimuler la maladie dans un univers stérile, on dit qu’il ni à pas meilleur lieu pour tomber malade qu’un hôpital, c’est tout ce qu’il y a de plus vrai. Cette air est à ce point filtrer et stériliser que la seule chose qui peu y circuler est l’odeur permanente de la mort et de la maladie. Durant longtemps, lorsqu’une personne allait à l’hôpital, elle allait mourir, de nos jours, la médecine à avancer, les gens meurent de moins en moins dans les hôpitaux.
En fait, les gens y meurent toujours, seulement nous y allons de manière progressive, nous tuons l’âme, l’esprit puis nous laissons le corps s’éteindre à petit feu, il est cependant hors de question d’accélérer le processus, cela nous amènerait face à beaucoup trop de problèmes éthiques. Je ne comprendrais probablement jamais pourquoi la société m’a à ce point démonisé, les gens craignent la mort par son ultime finalité, hors la fin d’une existence n’est dramatique que si elle concerne l’existence humaine, les médecins se battaient pour prolongé l’existence de cet homme qui posait sa main sur moi, cet homme pour qui j’étais triste non pas de voir si près de la mort, mais de voir comme ça main ressemblait aux feuilles mortes de fin d’automne. Elle était recouverte de ride, frêle et sèche, comme ces feuilles qui n’attendent qu’un coup de vent pour se répandre en poussière, pour retourner à la terre originelle.
Cet homme se tenait dans son lit, regardant droit devant lui, n’attendant de la vie rien de plus qu’une cessation des souffrances. Pour lui, l’existence avait cessé, son existence ne se constituait de rien, ni espoir, ni passion, en fait, sa plus grande espérance était de mourir. J’étais jeune à l’époque. J’avais pris la main de cet homme entre les miennes, il serra mollement ma main gauche, je m’en souviens, cette douce pression, qui enveloppait ma main. Je m’imaginais cet homme mourir, ses yeux se fermer, son cœur qui battait puis l’arrêt complet, la main qui se ressaierait sur la mienne, la crispation complète du corps qui réalise bien qu’il y a un dérèglement qui lui cause un désagrément, le corps qui se prépare à lutter.
Puis, l’apaisement, la paix qui englobe tous, plus rien n’a plus d’importance, il ne faut que cesser de lutter, détendre tous les muscles de notre corps, accepter la fin de notre existence sur terre, l’accueillir, la vivre, plus rien n’a d’importance maintenant, tous s’arrêtent ici. J’avais alors l’impression de rêver. Je n’entendais pas les cris des engins autour de moi qui criais de panique, leur hôte mourrait, il devait le ramener, j’étais dans un état de rêve, j’étais complètement déconnecté de mon corps, les infirmiers et les médecins accouraient dans la pièce, on m’amena à l’extérieur, je ne sais plus comment. Ils utilisèrent le défibrillateur, cela ne leur servirait à rien, mais il devait essayer. Le défibrillateur, c’est une bouée de secours. On sort la personne de sa béatitude et on force le corps au combat, si la personne souhaite continuer le combat, elle peut s’y raccrocher, mais une fois qu’elle a laissé tomber, cela ne sert plus à rien. Elle retournera dès le choc passé à la paix qu’elle avait trouvée. Il me fallut le reste de la journée pour quitter l’état dans lequel je me trouvais, retrouver pied, me raccrocher à la terre.
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